A l’heure de définir les spécialités culinaires qui font aussi l’identité d’une grande nation, les paysans de Kaamelott et le bon roi Arthur se retrouvent sans imagination. Il faut dire qu’avec un peu de fromage, une tranche ou deux de pain et un jambon de qualité incertaine, il n’est pas évident de constituer un vrai plat de pays…
Fort heureusement, le château compte un spécialiste nourriture, un esthète de la boustifaille, un homme pour qui la vie, c’est avant tout la bouffe ! Le chevalier Karadoc entre alors en scène et, devant les yeux ébahis des paysans et d’Arthur, il superpose les couches de pain, de jambon, à nouveau de pain et enfin de fromage, avant de préciser à ses hôtes qu’il suffisait de passer le montage quelques minutes au four pour obtenir le fondant souhaité. « Et voilà. Un croque, monsieur ! »
La véritable histoire du croque monsieur
On aurait bien aimé croire à cette histoire médiévale. Pourtant, le croque-monsieur trouve ses origines bien plus tard, à Paris, boulevard des capucines, quand un bistrotier, devant la pénurie temporaire de pain dans sa cuisine, propose à l’un de ses clients à un sandwich au pain de mie toasté. A première vue, ça paraît beaucoup moins romantique.
Nous sommes alors en 1910 et le Bel âge (le bistrot en question), est dirigé par Michel Lunarca, à la réputation étrange et au surnom de cannibale. Si bien que lorsque le client du premier sandwiche toasté au pain de mie s’enquière naturellement de la composition de son met, et notamment de l’origine de la viande contenue entre les deux tranches de pain de mie et posé sur la crème béchamel, le serveur, avec une pointe d’humour noir, lui répond du tac au tac : « C’est de la viande de monsieur », laissant bien le doute sur le fait qu’il s’agisse de viande préparée par Monsieur ou plutôt de la viande humaine.
Un plat déjà goûté par Marcel Proust
Quoiqu’il en soit, la petite blague a fait son effet. Et à tel point même que les autres clients du bistrot réclament à leur tour ce drôle de « croque-monsieur ». La légende naît donc de cet instantanée de l’année 1910, boulevard des Capucines. A l’ombre des jeunes filles en fleur, Marcel Proust évoquait déjà le croque-monsieur ; un plat de fin de soirée juste réconfortant, simple et rapide, mais vendu bien trop cher pour ce qu’il est réellement.
La tentative d’ancrage aborigène
D’autres histoires prétendraient que l’origine ancestrale du croque-monsieur daterait des aborigènes Australiens, premiers hommes à toaster leur galette de pâte (ressemblant de loin à du pain de mie, donc) au feu de bois en ayant pris soin de coincer un morceau de viande fraîchement chassée au milieu des deux galettes. Dans l’absolu, on peut toujours tout faire remonter à plus loin, plus avant. Mais ici, le lien entre les aborigènes et notre cafetier Parisien est impossible à démontrer. Tout juste sait-on que la recette aborigène est remontée jusque dans les Philippines, mais après ça, c’est le néant. Et puis, il n’est pas certain que les cuisiniers aborigènes maîtrisaient vraiment la sauce béchamel…
Aujourd’hui, le croque-monsieur se décline en diverses versions. On change la sauce, la viande, la qualité du pain, celle du fromage, et chacun fait son petit croque à sa sauce, en brasserie comme à la maison, avec une feuille de salade et quelques frites, maison de préférence. Mais la meilleure variante reste sans aucun doute le croque-madame, avec son œuf à cheval…